I. — L’importance de la Conversation.
La conversation est un échange d’idées entre deux ou plusieurs personnes sur les sujets les plus divers. Elle est une de conditions de la vie humaine. Être éminemment social, l’homme a besoin de communiquer à ses semblables les pensées de son esprit et les sentiments de son cœur, de correspondre avec eux par la parole et par l’écriture.
Tout en procurant un agréable délassement, la conversation permet d’acquérir, sans travail et sans peine, de nombreuses connaissances. Heureux ceux qui, dès le bas âge, entendent une parole vivante, qui anime l’esprit, provoque l’attention et inspire d’utiles réflexions. Ils acquièrent, en peu de temps, une grande activité intellectuelle et une particulière facilité d’assimilation des pensées d’autrui.
C’est aussi par la conversation que les affaires commerciales naissent, se développent et se multiplient. Quelle habileté de parole ne faut-il pas au négociant pour faire valoir sa marchandise, gagner le client et mériter sa confiance ! La conversation est encore un moyen puissant pour encourager et consoler, pour s’insinuer dans les esprits et dans les coeurs, mener à bonne fin une négociation délicate, faire réussir une entreprise difficile.
Elle demande beaucoup de tact, d’habileté et de jugement. Peu de personnes excellent dans l’art de bien dire, parce que peu s’y exercent ; et cependant rien n’est plus utile, surtout de nos jours, où la vie publique a tant d’exigences.
Pour être convenable, une conversation doit être polie sans affectation, gaie sans trivialité, gracieuse sans afféterie, littéraire sans pédantisme, et surtout respectueuse des droits de la conscience.
L’homme qui mérite d’ être écouté, dit Fénelon,
est celui qui ne se sert de la parole que pour la pensée, et de la pensée que pour la vérité et la vertu.
Notre belle langue française est un admirable instrument de conversation : vive et animée quand elle discute, fine et malicieuse quand elle plaisante, nette et précise quand elle expose, elle a toutes les qualités voulues pour rendre un entretien utile et intéressant.
Sa concision, sa clarté, son élégance, lui ont acquis le premier rang, non seulement dans le monde diplomatique, mais encore dans celui des salons
Avant de parler, il faut réfléchir. Le sage pèse ses paroles au poids de l’or : Un homme qui a réellement de l’esprit en emploie une petite partie à parler et une plus grande à se taire.
Terrasson
Les sots babillent beaucoup et réfléchissent peu. Le bavard est un véritable fléau. Les paroles coulent de ses lèvres comme le ruisseau de sa source, sans interruption ni relâche. Il parle de ce qu’il sait et de ce qu’il ne sait pas. Le plus souvent, il ouvre la bouche pour dire des sottises ou des riens ; il soumet à une rude épreuve la patience de ceux qui l’écoutent.
Ne parlez qu’à propos : quand on parle toujours,
Molière
On ennuie, on déplaît, et, dans son verbiage,
Pour un mot raisonnable, on tient cent sots discours.
II. — De la Pureté du langage dans la conversation.
On pèche contre la pureté du langage, soit en se servant de mots dont la forme a été altérée, soit en leur donnant une signification autre que celle du dictionnaire : cacaphonie pour cacophonie ; trémontane pour tramontane. Je languis, pour je m’ennuie ; lire sur le journal, pour lire dans le journal ; jouir d’une mauvaise santé, pour avoir une mauvaise santé.
On n’emploie pas indistinctement des mots qui ont une apparence de synonymie. On ne dira pas : un appareil de chirurgie, un instrument de cuisine, un ustensile de physique ; mais : un instrument de chirurgie, un ustensile de cuisine, un appareil de physique.
Il faut éviter les expressions impropres qui ne sont pas conformes à la pureté de la langue ; et, quoiqu’ il ne soit pas convenable d’user de termes ou d’ expressions trop étudiés, il ne faut pas cependant se servir d’un français corrompu.
(Bienséance et Civilité chrétienne.)
III. — De la Correction du langage dans la conversation.
La correction du langage veut qu’en parlant on respecte les règles de la grammaire.
Lorsqu’on ne se surveille pas, on commet généralement beaucoup de fautes ; nous ne signalerons que les principales :
1° Les fautes relatives au genre et au nombre.
Age, amadou, emplâtre, évangile, incendie, légume, ongle, sont masculins.
Atmosphère, antichambre, énigme, image, oriflamme, paroi, sont féminins.
Annales, arrhes, bésicles, broussailles, catacombes, légumes, vacances (repos), sont toujours du pluriel.
2° Les fautes plus nombreuses encore de l’emploi défectueux des modes et des temps des verbes.
En général, le présent de Vindicatif et le futur veulent le présent ou le passé du subjonctif, tandis que les passés de Vindicatif et le conditionnel demandent l’imparfait ou le plus-que-parfait du subjonctif : Il faut, il faudra qu’ il restitue. Il fallait, il faudrait qu’ il restituât, que tu vécusses, que j’aimasse.
Les terminaisons en asse, en isse et en usse sont peu élégantes et donnent au langage un ton prétentieux.
Je voudrais que vous marchassiez plus droit. Il faudrait que je courusse plus vite. Je voudrais que vous vous enthousiasmassiez. Pour éviter ces formes, mieux vaut employer l’infinitif. Au lieu de : il faudrait que vous me donnassiez, on dira : il faudrait me donner, expression plus concise et plus harmonieuse.
On tolérera le présent du subjonctif, au lieu de l’imparfait, dans les propositions subordonnées, dépendant de propositions dont le verbe est au conditionnel présent. (Arrêté du 26 février 1901.)
Exemple : Il faudrait qu’il vienne. C’est plus euphonique et moins prétentieux.
Emploi du futur et du conditionnel.
— C’est le présent du conditionnel, et non le futur simple, qu’on emploie pour marquer un futur relatif à un temps passé. On pensait que je viendrais, que je dirais.
On espère que je viendrai, que je dirai. Si le verbe de la proposition conditionnelle est au présent de Vindicatif ou au passé indéfini, on emploie le futur dans la proposition principale :
Si je finis, si j’ai fini avant toi, je t’aiderai ; s’il est à l’imparfait ou au plus-que-parfait, on se sert du conditionnel : Si je finissais, si j’avais fini avant toi, je t’aiderais.
Emploi du passé défini.
— Le passé défini est généralement peu élégant : Nous allâmes, nous vîmes, vous fûtes. On ne l’emploie pas lorsque le temps pendant lequel l’action s’est faite n’est pas entièrement écoulé. On ne dira pas : Je fis ce matin telle rencontre ; mais : J’ai fait ce matin telle rencontre.
Emploi des auxiliaires être et avoir.
— L’auxiliaire avoir ne s’emploie pas indifféremment au lieu de l’auxiliaire être. On ne doit pas dire : Il a tombé, mais : il est tombé ; il a promené ce matin, mais : il s’est promené ce matin ; je suis été, mais : j’ai été, ou je suis allé.
L’auxiliaire être exprime généralement un état permanent, et l’auxiliaire avoir un état transitoire : Monsieur est descendu au premier étage, signifie que Monsieur est encore au premier étage. Monsieur a monté trois fois cet escalier durant la matinée. Tout en veillant sur la correction de son langage, on doit éviter la recherche, l’afféterie, le purisme.
Les puristes ne hasardent pas le moindre mot ; rien d’ heureux ne leur échappe, rien ne coule de source et avec liberté : ils parlent
La Bruyère
proprement et ennuyeusement.
Le grammairien Saumaize, sur le point d’expirer, disait :
Je m’en vais, ou je m’en vas, l’un et l’autre se dit ou se disent. C’était pousser le purisme un peu loin. Dans le langage familier, il est important que le travail de la forme ne se montre pas. Il faut, autant que possible, exprimer ses idées d’une manière claire, en se servant de phrases courtes, simples et naturelles.
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