homme costume lecture

Adopter le style classique, c’est devenir un homme nouveau.

J’ai osé employer dans mon introduction le mot « conversion ».

Si vous êtes prêts à sauter le pas, il vous faudra renoncer à certaines pratiques et jeter la plupart de vos vêtements actuels.

Les jeter ou, si vous préférez, les donner, même si je ne suis pas sûr que favoriser la propagation de la laideur puisse constituer une bonne action.

Deux couvre-chefs sont à bannir : le bonnet et la casquette américaine.

Le bonnet sied aux enfants mais il rend grotesques les adultes qui s’en coiffent en ville ou à la campagne. La casquette américaine est prisée des hommes d’âge mûr. L’adoptant, ils poursuivent deux rêves : l’American dream, bien sûr, et le rêve de la jeunesse éternelle. Ces naïfs attribuent à ce simple accessoire des vertus magiques. Ils sont en effet convaincus – allez savoir pourquoi – qu’elle a un pouvoir rajeunissant.

Prince de gales

L’illusion tient peut-être aux origines sportives de cette casquette, qui flattent l’ego de ses aficionados, ou à son ample visière, qui jette une ombre consolante sur les marques du temps.

Vous ne protégerez plus votre cou d’une trop longue écharpe de laine rustique, quitte à vous brouiller avec votre femme qui, amoureusement, a tricoté la vôtre, ou d’un « chèche » noué à la légionnaire, même si vous pensez que ce ruban de coton complète admirablement le look d’aventurier que vous aimez vous donner à bord de votre Duster.

Oubliez le sweat à capuche, une des expressions vestimentaires les plus pénibles de l’infantilisation de notre société. Oubliez tous les vêtements à capuche, y compris le duffle-coat.

Comment ce vêtement a-t-il pu trouver grâce auprès d’auteurs de guides sérieux ? Le général Montgomery, qu’on cite toujours à son propos, était peut-être un grand militaire mais nullement un homme élégant.

On rapporte que Jean Cocteau passa un duffle-coat sur son smoking un soir qu’il se rendait à l’Opéra : par où l’on voit que même les bons poètes ne sont pas toujours bien inspirés.

La capuche en ce moment dans le vent accompagne une parka et est bordée de poil de lapin ou de chat. Une horreur.

Autre horreur : la doudoune en nylon, qui vous transforme en bibendum gonflé à l’hélium. Doudoune : mot care, hypocoristique révélateur de notre société areu.

« Hier, mon papa avait mis sa doudoune et son bonnet pour faire de la trottinette. Une voiture l’a renversé mais il a même pas eu mal – juste un gros bobo à son petit doigt. »

chesterfield

Ne vous montrez plus en tee-shirt, autrement dit en maillot de corps ou en tricot de peau. Ce vêtement, pratique – il protège du froid – et hygiénique – il protège les autres vêtements des humeurs animales –, a vocation à rester entièrement invisible. Je dis « entièrement » parce que je me souviens du triangle de coton blanc que laissait à découvert, dans les années 80, le déboutonnage du col de la chemise.

homme costume tee-shirt basquette

Cette manière, venue des campus américains, eut chez nous la faveur de beaucoup d’intellectuels. Daniel Cohn-Bendit en perpétue l’usage.

Cela ne m’incite guère à l’indulgence et ne me procure aucune nostalgie. Marlon Brando et James Dean auraient donné ses lettres de noblesse au tee-shirt.

Si ces acteurs ont marqué l’histoire du cinéma, ils ne furent jamais réputés pour leur élégance. Leur influence n’entre donc pas dans mon sujet. J’ai ouï dire que les femmes trouvent « sexy » l’homme en tee-shirt.

J’imagine que des hommes pensent la même chose… Mais mon sujet n’est pas non plus celui-là. Le tee-shirt a essayé de se monter du col, si vous me passez le mot, en se glissant sous la veste à la place de la chemise.

Qu’en est-il de cette tentative ?

(Image: synthèse du mauvais goût moderne, basquet sans chaussettes, tee-shirt blanc et costume moulant)

L’élégance n’y a rien gagné, l’hygiène non plus d’ailleurs : le col du costume, au contact direct avec la peau, se salit à la vitesse d’un col de chemise. Répugnant.

Thierry Ardisson, animateur de télévision, a adopté la panoplie et en a fait son bleu – ou plutôt son noir – de travail. Le noir domine le vestiaire de l’homme depuis de trop longues années.

La référence à Ardisson m’offre l’occasion de dénoncer cette tendance : faites le deuil du noir.

Comme le disait un slogan pour Newman dans les années 80 :

« La vie est trop courte pour s’habiller triste » !

Tee-shirt, doudoune, sweat à capuche, bonnet… se portent généralement avec un jean. Le jean, voilà l’ennemi !

On ne dira jamais assez les catastrophes que son triomphe a occasionnées. Et s’il n’en reste qu’un à le rappeler, je serai celui-là !

Si jean vous devez avoir, vous ne l’aurez qu’en un seul exemplaire et vous le rendrez à sa fonction initiale de vêtement de travail – vêtement domestique, juste bon pour le bricolage et le jardinage.

Cette funeste importation américaine est à l’origine de tous les laisser-aller vestimentaires contemporains. Sans jean, point de cool attitude. On ne renoue avec l’élégance qu’en renonçant au jean. Ce principe ne souffre aucun accommodement.

On ne dîne pas avec le diable même avec une longue cuillère. Avec le jean, je croyais avoir atteint le fond. Mais non. Il me faut descendre encore plus bas et évoquer les chaussures, dites tennis et baskets.

Dans un sens, cela tombe bien : mes lecteurs les plus attentifs auront remarqué que mon présent inventaire suit un ordre allant de la tête aux pieds ! Donc, ces chaussures…

Quand j’étais collégien, je plaignais les professeurs d’éducation physique dont le métier oblige au port permanent du survêtement et des chaussures de sport.

Comment aurais-je pu imaginer que celles-ci s’imposeraient un jour aux pieds du plus grand nombre, hommes et femmes confondus ? Comment peut-on à ce point privilégier le confort au détriment de l’esthétique ? Il n’y a pas si longtemps, les tennis de sœur Emmanuelle suscitaient la moquerie.

blazer croisé

Et voilà qu’aujourd’hui toutes les femmes dans la rue sont des sœur Emmanuelle… Si je me suis permis cette brève – et pudique – incursion dans la garde-robe de nos compagnes, c’est parce que cette mode unisexe, déjà laide pour nous, l’est davantage pour elles, représentantes du « beau sexe ».

La coquetterie masculine n’a cependant pas disparu. Mais, s’appliquant à des objets sans intérêt, elle inspire, au choix, pitié ou amusement. Il faut voir, par exemple, les efforts de certains pour garder leurs tennis immaculées ou pour nouer artistiquement leur « chèche »…

Cette coquetterie a pris aussi de nouvelles formes. Les bijoux ne sont plus réservés à une certaine communauté fière de sa bigarrure : bracelets de perles, en cuir tressé, en poil d’éléphant, que sais-je encore, ornent et alourdissent les poignets. Le corps, surtout, fait l’objet d’attentions inédites : teintures capillaires, chirurgie esthétique, musculation intensive, tatouages plus ou moins discrets…

L’homme classique constate ces évolutions mais y reste imperméable. Si son chef a grisonné, il le gardera grison. Il adoptera la même indifférence face aux autres atteintes du temps. Bien placées, les rides rapportent ; elles donnent de la valeur à un visage.

Son exercice physique se bornera à quelques mouvements quotidiens antirouille, tels ceux auxquels se livre Tintin au début de L’Oreille cassée : « Flexion des jambes, élévation des bras : un !… deux !… un !… deux !… »

L’homme classique n’est pas tatoué. Tout tatouage visible est à faire enlever. L’opération est certes coûteuse et douloureuse mais qui a accepté de souffrir pour s’enlaidir peut bien supporter le même tarif pour recouvrer son intégrité.

Le Chouan des villes

Extrait du livre : L’homme classique

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